Pierre Joxe, ancien ministre de l'Intérieur et à la Défense, ancien Premier président de la Cour des comptes, vient d'écrire le livre "Soif de justice, au secours des juridictions sociales". Dans le domaine de ces juridictions, qu'il a explorées pendant plus d'un an, il estime que la France est très en retard par rapport à ses voisins européens.
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Invité de France Info, Emmanuel Maurel, chef de file de Maintenant la Gauche, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France et candidat aux Elections européennes, souhaite un nouveau souffle pour le quinquennat de François Hollande. "Il faut qu'il renoue avec l'esprit du Bourget, qu'il réenchante le rêve français". Quant aux élections européennes qui se profilent, pour lui "la question c'est : austérité, stop ou encore ?"
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On ne peut pas prendre la mesure de ce qui s’est passé en Bretagne le 2 novembre sans intégrer les travaux des géographes comme Christophe Guilluy ou des politologues comme Laurent Bouvet ou Gaël Brustier sur les inégalités entre territoires urbains et territoires périurbains et ruraux. La Bretagne s’est développée ces dernières décennies selon un modèle que personne ne mettait en cause dans les années 60 : élevage et agriculture intensifs, industries agro-alimentaires. Peu de grandes villes, un territoire périurbain et rural en concentré. Elle est aujourd’hui touchée sur plusieurs fronts. D’abord économique : le modèle agricole, la pêche n’en finissent pas de mourir ; les industries, soumises au dumping social et fiscal qui a cours en Europe ferment les unes après les autres, soit pour délocaliser, soit par manque de compétitivité, et, la crise aidant, c’est l’hécatombe. Social évidemment, conséquence du désastre économique, mais là aussi, la crise accentue les difficultés, chacun connaît pour lui-même et ses proches chômage et baisse du niveau de vie. Et tous s’inquiètent de l’avenir. Ecologique aussi : le mode de production, destructeur pour l’environnement et la santé humaine, est de plus en plus remis en cause, à juste titre. La Bretagne est pour cette raison montrée du doigt, ce qui n’est pas justifié, car la région n’est pas responsable, ou pas à elle seule, de la situation. Géographique enfin : zone périphérique et rurale (une « région excentrée ») elle a été, comme tous les territoires du même type, oubliée des puissances publiques et des politiques nationales, notamment en terme de services publics et d’infrastructures. La Bretagne a connu les fermetures d’hôpitaux ou de maternités, de guichets de poste, de classes, pendant que les métropoles se développent et siphonnent les investissements, phénomène encore accentué par le dogme de la réduction de déficits et du remboursement de la dette. De quoi nourrir un cocktail explosif. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, comment s’étonner de la montée du vote FN dans cette région comme dans toutes les zones périphériques ?
De nombreuses régions françaises, et au sein de ces régions de nombreux territoires, le plus souvent en marge des grandes villes, connaissent peu ou prou la même situation. Peuplés majoritairement d’ouvriers, d’employés, de petits cadres, de paysans, ils subissent les effets de la mondialisation, l’accès difficile aux services publics (santé, éducation, transports), des dépenses énergétiques en constante augmentation ; et sont montrés du doigt car, à l’heure de la transition écologique, ils vivent prioritairement dans des logements individuels et consomment des énergies fossiles. Nous avons donc assisté hier au soulèvement d’une région entière contre ces inégalités, venue dire « à Paris » (LA zone urbaine par excellence, et là où se prennent les décisions), son exaspération et sa colère.
La gauche devrait adresser un grand merci aux bretons de mettre ainsi sur le devant de la scène la situation de ces « oubliés » des politiques, et de réclamer haut et fort des réponses concrètes. Etre de gauche, n’est-ce pas d’abord lutter contre les inégalités ? Et pourtant, la gauche décroche, effrayée par la forme de cette mobilisation. Elle ne devrait pas. Il est logique somme toute, si on prend en compte les inégalités géographiques zones urbaines/zones périphériques que la mobilisation prenne elle aussi un tour spatial. Avec ses ambigüités et ses dangers pour la gauche. A ne pas comprendre ce qui se joue, à se draper dans la pureté idéologique, elle prend le risque de laisser le champ libre aux grilles d’analyse des libéraux de tous poils, et de leurs tenants sur le terrain politique : la droite et l’extrême-droite. Ce qu’elle a d’ailleurs déjà commencé à faire, en adoptant une posture morale face à la montée du vote FN, qui se jette sur ces territoires avec gourmandise, comme en allant manifester à Carhaix plutôt qu’à Quimper. Ce faisant, elle abandonne ces salariés, les condamne même et leur donne des leçons de l’extérieur. La manifestation de Carhaix était clairement une contremanifestation de division d’un mouvement qui porte des revendications légitimes. Ce mouvement, parce que spatial, est ambigu dans son expression, pour l’instant.
On peut faire le parallèle avec le « ras-le-bol fiscal ». Terme ambigu lui aussi, repris par les plus riches pour tenter de participer le moins possible à la solidarité, et par tous les autres, qui ont déjà du mal à finir les fins de mois, qui reprennent à leur compte, consciemment ou non, la formule de l’Internationale: « l’impôt saigne le malheureux », et on pourrait ajouter : sans que, trop souvent, son affectation profite à l’intérêt général. La sortie de l’ambigüité se fera d’une manière ou d’une autre. Soit la gauche regarde la réalité en face, au lieu de la nier, ou de la rejeter en bloc, et mène en matière fiscale une politique sociale et juste : la révolution fiscale promise et le rétablissement du primat de l’impôt réellement progressif, l’annulation de la hausse de la TVA, l’annulation de la taxation écologique, contribution climat-énergie comprise. Soit c’est la réponse de la droite et de l’extrême-droite qui l’emportera : non à l’impôt, baisse des dépenses publiques et sociales. Et la gauche se lamentera sur la « droitisation » de la société. La bataille culturelle, idéologique, trouve là sa pleine application. Il en va de même du mouvement breton. La gauche doit y répondre en apportant sa grille de lecture, ses explications, qui finalement ne tiennent qu’en un mot : l’ultra-libéralisme, qui se moque bien et des salariés, et des paysans ou éleveurs bretons, et de la planète, lorsqu’il s’agit de ses rentes. Il lui revient aussi, parce qu’elle est au gouvernement, d’apporter des réponses concrètes. Par des positions claires sur la construction européenne, et des actes, enfin, contre le dumping social et fiscal, par la transition écologique, pilotée par l’Etat, et non laissée à la bonne volonté du secteur privé, par le développement des services publics, par le refus des licenciements boursiers, etc. Et le gouvernement, dans lequel on trouve plusieurs ministres bretons, aurait tort de penser qu’il suffira de sauver la Bretagne à coup de plan d’avenir et quelques millions à la clef pour régler le problème. Car la colère bretonne est la face émergée de l’iceberg. La même colère, les mêmes attentes existent partout en France, et partout dans les zones périphériques, sous la même forme. Elle ne se traduit pas dans la rue, pour l’instant, ailleurs qu’en Bretagne, pour diverses raisons, mais trouvera inévitablement son expression sur le terrain électoral si le gouvernement ne change pas de cap, urgemment ! Et si la gauche ne comprend pas les mouvements sociaux lorsqu’ils portent en eux une exigence de justice et d’égalité, même (surtout ?) lorsqu’ils prennent des formes peu habituelles.
Article de Geneviève Wortham
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Ne nous voilons pas la face, cette année aura été une petite vendange. Fleur tardive suite à un printemps frais et pluvieux, grêle début aout, inondations mi-aout, été sec et peu ensoleillé, tout aura contribué à faire du millésime 2013 une année difficile à vendanger et à vinifier. Mais c’est là que se feront les bons et les mauvais vins. Après tout, était ce bien compliqué de vinifier un 2005, un 2007, un 2009, un 2010 ou un 2011 ? Se démarquer lorsqu’un millésime est exceptionnel c’est une chose, mais réussir une mauvaise année voila où est la noblesse de ce métier. Voila comment on fait la différence entre les grands et les petits vins, les bonnes et les mauvaises maisons.
Je suis arrivé en bourgogne le 3 octobre. Il tombait des gouttes de pluies grosses comme mon poing. Apres la vallée des Ouches dont les champs de fleurs multicolores avaient déjà fanées, je longeais les coteaux de Pernand Vergelesse lorsque je dû m’arrêter car je n’y voyais plus à 10 mètres. Au milieu de la vigne encore bien verte malgré la saison avancée, lorsque la pluie cessa, je descendis pour constater avec effarement qu’il ne restait plus grand-chose sur les pieds. J’avais bien entendu à la télé et à la radio qu’on parlait de plus de 60% du vignoble touché à Pommard, près de 40% à Nuits mais je ne m’étais pas figuré les dégâts que cela représentai. La grêle était passée par là début aout qui avait arraché les grumes encore vertes et déchiré ce qui avait subsisté sur les pieds. Sur les grappes, les grumes bien mûres en côtoie d’autres encore vertes et les foyers de pourriture sont là. Alors que depuis 2005 se sont enchainés les millésimes de haute volée, drôle de sensation que de se sentir trahis par une nature tout à coup hostile qui reprend ses droits et qui rappelle le travailleur de la vigne et du vin à la modestie.
Nous avons commencé les vendanges le 5 octobre. Je n’avais jamais vu une vendange commencée en bourgogne au delà du 28 septembre (en 2008) et comme me le confirma un vieux vigneron du cru, cela n’était pas arrivé depuis 1982. Les premières vignes n’étaient pas encourageantes mais pas aussi dégradées que ce que la presse locale avait annoncé. Malgré des conditions climatiques chaotiques, la qualité des grumes était bonne, fruitée. Evidemment il ne cessa pas de pleuvoir pour la vendange. Le vin chaud et les chants le soir autour de la table permirent de réchauffer les corps et les cœurs. Pourtant, il est compliqué de maintenir une bonne ambiance dans une équipe de vendange lorsque les esprits fatiguent prématurément. Ce n’est pas ce qu’on croit. Il faut bien du courage pour entamer une journée à 6h du matin alors qu’à peine descendu du vieux J9 le vendangeur est déjà trempé de la tête au pied. Chaque pas est un effort lorsque les bottes collent au sillon. Chaque mouvement est pénible pour les corps endoloris des jeunes gens, fouettés par le froid et l’humidité.
Bon grés, mal grés, la récolte est rentrée. L’équipe est partie. Rincée mais fière d’en être arrivé à bout. La Paulée fut de celle que l’on n’oublie pas. Moi j’en avais fini avec mes cuisines. Il était temps que je rejoigne la cuverie. Alors, tout est différent. La chambre qui était pleine des rires des vieux amis la veille est désormais vide. La frénésie de la récolte et le chahut permanent dans lequel nous vivons pendant une semaine à 50 s’éteint instantanément. Heureusement Michel et cette année Pierre viennent dormir à la cuverie pour me tenir compagnie. Nous ne somme plus que 4. Combien seront saisis pour encore plusieurs jours par la mélancolie de s’être quitté après cette semaine ? Se brosser les dents, déjeuner, travailler, se laver, chanter et rire ensemble. Partir avec ses souvenirs. Nous nous sommes encore la et, le soir, autour d’une bouteille de rata, nous nous raconterons les bons moments de cette vendange. L’amitié qui continue.
Dés potron-minet, je retrouve l’odeur familière et rassurante de la fermentation alcoolique dans la cuverie. Lorsque j’ouvre la lourde porte de chêne, les gaz me cueillent dans un demi-sommeil et m’enivrent doucement. C’est un drôle de spectacle, un beau spectacle, qu’une cuverie encore endormie. Les levures qui travaillent à dégrader le sucre pour en faire de l’alcool éthylique ne connaissent ni la nuit ni le jour. Plus encore que l’odeur, j’aime à écouter leur chant la tête au dessus des cuves, l’oreille tendue vers le moût lorsqu’aucune pompe, aucune machine, aucune voix humaine ne vient troubler la douce musique bactérienne. La fermentation trotte, d’ailleurs c’est préférable, à petite température, ce qui aura au moins le mérite de conserver des aromes fragiles. Pourtant chaque matin les densités chutent lourdement. Fragilité du millésime… Le petit déjeuner est vite avalé. Je retrouve facilement les gestes que je répète chaque année depuis maintenant plus de 10 ans. Jacques ne manque pas cependant de me rappeler les choses dix fois. Ça le rassure. Moi aussi. Chacun connait sa partition. Economie de geste et de parole. La vinification c’est un lent ballet feutré. Chaque pas au dessus des cuves est mesuré avec prudence. Chaque geste est réfléchi. La tête qui nous tourne parfois lorsque l’on descend à la cave, surpris par le dioxyde carbone, nous rappelle que le métier n’est pas sans danger.
Je retrouve là l’accent fier et fort des Bourguignons, dans l’intimité du travail silencieux, presque monacal, nous ne rompons le silence qu’au moment des repas et pour aller boire un Picon bière au bistrot de Savigny. Les veillées interminables, où l’on évoque le souvenir des ancêtres et des bons amis, de la terre et du travail bien fait, des soirées inoubliables et des millésimes hors normes, ponctuent les 15 jours de vinification et nous berce d’une douce nostalgie.
Cette année je ne décuverais pas le millésime pour cause de campagne électorale. Je rentre sous une pluie froide, fine et régulière. De retour à Moussy, je referme cette parenthèse en ayant le sentiment du travail accompli. Malgré les aléas du temps, malgré les difficultés, nous avons relevé le défi. Et puis je sais que dans un coin de Bourgogne, là où les jeunes chantent sous la pluie et où les anciens répètent des gestes centenaires en silence, quel que soit le temps, il y aura toujours le soleil de l’amitié.
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Les commentaires affluent sur l’écrasante victoire d’Angela Merkel lors des dernières élections en Allemagne. S’en tenir à eux reviendrait à oublier une vérité mathématique tout aussi évidente : la gauche rassemblée détient la majorité des voix en nombre de sièges : le SPD en obtient 192, Die Linke 64, les Verts 63 soit un total de 319 alors que la CDU (dont sa composante ultra conservatrice bavaroise la CSU) en obtient 311. Oui, la gauche est majoritaire au Bundestag allemand !
Une transposition aveugle avec la situation française serait insensée tant nos systèmes de représentation politique sont différents. Pour autant, les enseignements que doit en tirer la gauche française sont primordiaux.
Ce constat ne relativise en rien le score obtenu par la chancelière sortante. Elle a su rassembler son camp et surtout su anéantir ses alliés. Les libéraux du FDP, avec qui Merkel gouvernait depuis 2008, détenaient 93 sièges depuis 2009 : avec moins des 5% requis, ils ne sont plus représentés au parlement. Leur ligne profondément anti-sociale, destructrice des services publics notamment, a été balayée par les Allemands.
Le SPD réalise un score faible relatif à mon sens à sa participation à la première équipe Merkel de 2005 à 2009 mais aussi à la politique menée par le chancelier Schröder auparavant. Les sociaux-démocrates y ont suivi aveuglément des orientations libérales.
Aujourd’hui, leur responsabilité est historique : ils détiennent la clef du prochain gouvernement allemand mais aussi une possible réorientation du projet européen. Le programme qu’ils ont porté lors de cette dernière campagne se distingue par une ligne plus tranchée que par le passé (création du salaire minimum, tranche à 49% pour l’impôt sur le revenu). S’ils se laissent amadouer par les sirènes du pouvoir avec la droite, ils devront assumer les conséquences lourdes de sens en Europe. Choisir de s’enfermer dans un gouvernement de coalition avec la CDU, serait synonyme de renoncement. Certes ils pourraient négocier la mise en place d’un salaire minimum mais avec les exigences d’une Merkel de fer, les avancées seraient bien minces. Ce serait aussi signer l’arrêt de mort de leur parti, soumis alors à de profondes divisions internes.
Les sociaux-démocrates allemands ont la possibilité et la responsabilité de se rapprocher des partis « die Grünen (les Verts) et « Die Linke » (la gauche) pour former un gouvernement de gauche susceptible de fonder un projet fort pour l’Allemagne et porteur d’espoir en Europe. Malheureusement, certains dirigeants du SPD refusent déjà tout accord avec Die Linke sous prétexte d’un manque de « maturité politique » : c’est oublier que le Peuple, tout turbulent qu’il est, a voté majoritairement à gauche !
Article de Laurent Johanny
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Les organisateurs du Forum économique mondial à Davos ont publié début septembre leur rapport annuel sur la compétitivité des pays (Global Competitiveness Report 2013–2014). L’occasion pour la presse libérale d’en remettre une couche sur « le coût du travail », « la rigidité du marché du travail français » et notre « faible capacité d’innover ». Les déclinistes de tous poils sont à la fête. Le Figaro exulte : « Compétitivité : la France, 23ème mondiale, perd encore deux places ». François Lenglet, l’inénarrable économiste de France 2, prend une tête de circonstance pour fustiger « notre vieux pays » et dénoncer les droits sociaux acquis qui mettent notre pays à la traîne des grandes puissances économiques. Le Monde, qui avait titré la veille sur le matraquage fiscal, nous sort le soit-disant modèle allemand : « Compétitivité, l'Allemagne distance toujours plus la France » et Challenge nous tirerait presque des larmes : « Compétitivité : la France perd encore du terrain ». Pas un article dans un grand quotidien de référence, pas un journaliste de télévision, pas un magazine pour remettre en cause la sacro-sainte parole libérale et les conclusions de ce rapport. Pourtant il y a beaucoup à dire sur le fond et la forme.
Que mesure ce rapport ? Il mesure la compétitivité de 148 nations entre elles et définit les critères politiques, institutionnels, sociaux et économiques qui permettent à un pays de produire plus et moins cher que les autres. Pour ce faire, les auteurs ont défini 12 critères : la taille du marché intérieur, la formation, l’innovation, la technologie, la « sophistication du business », l’environnement macro-économique, l'éducation, « l’efficience » des marchés des services et du travail, le niveau de libre échange, la flexibilité et la réactivité des marchés. Car, bien sûr, pour bénéficier au mieux des vertus de l’économie mondialisée, la valeur cardinale c’est le libre échange. Sans cela, point de compétitivité et point de salut.
Ce rapport compare tout et n’importe quoi. Quelle est la valeur d’une analyse économique qui ne tient compte ni des droits sociaux, ni du travail des enfants, ni du niveau de développement d’un pays, ni du niveau des salaires, ni de la liberté de la presse ? Qui compare sur un même plan les pays les plus peuplés de la planète (Etats-Unis, Inde, Chine) et des micros-Etats comme Singapour ? Des démocraties parlementaires avec des régimes féodaux et dont le seul prisme est le résultat économique ? Ainsi un pays comme les Etats-Unis sera mieux noté que la France en matière d’éducation sans tenir compte de l’accès et de l’universalité du service de l’éducation et l’Allemagne sera mieux notée pour la flexibilité de son marché du travail sans prendre en compte les dégâts sociaux causés par les mini jobs et l’absence de minima sociaux. La Chine, pays autoritaire, sera mieux notée pour la « facilité » à licencier et les Emirats Arabes Unis, monarchie pétrolière, pour leur dette publique et l’équilibre de leur budget.
Evidemment en partant de ces critères, la Suisse, qui est un paradis fiscal, arrive en tête et la France se classe 27ème juste derrière l’Arabie Saoudite. Cela pourrait être drôle si ce rapport calamiteux n’avait pas été aussi commenté avec si peu de prudence par les médias français.
L’Arabie Saoudite donc, dictature
islamiste, est un vrai paradis pour les économistes de Davos et ce merveilleux
pays où on coupe des mains pour un vol et où les femmes n’ont pas le droit de
conduire une voiture ni de se présenter à une élection mérite d’être classé
devant la France. Certes, leurs investissements en matière de santé et d’éducation
sont insuffisants, on y meurt encore de la Malaria et toute critique du régime
vous vaudrait un bon passage à tabac mais il est classé cinquième en matière d’imposition
sur les bénéfices, 36ème pour la « facilité à embaucher et licencier »
(la France est 144ème) et le travail y est moins régulé (37ème rang contre 130ème
pour la France). Un vrai paradis on vous dit.
La lecture de ce rapport, plutôt indigeste, est très intéressante. Non pour en tirer des conclusions sur nos performances économiques mais pour comprendre quel est le mode de pensée des libéraux et leur échelle de valeur. Pour un économiste du forum économique de Davos et par extension pour les médias qui ont mis ce rapport en exergue, il vaut mieux être un paradis fiscal, une dictature ou un pays sans droit sociaux pour faire parti des pays compétitifs.
Cette vision du monde et la propagande qui l’accompagne a un nom et nous rappelle cette célèbre citation de Warren Buffett, une des premières fortunes mondiales : « Bien sûr que la lutte des classes existe, et c’est la mienne qui l’a gagnée ».
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Au panthéon de mes héros il y a naturellement Jean Jaurès, Léon Blum, Andreu Nin, Louise Michel, Albert Camus ou encore Simone de Beauvoir. Français, espagnole, russe, italien,… bien des hommes et des femmes ont fait avancer la cause des travailleurs. Chaque jour leur souvenir est un soutien et une inspiration intarissable pour le militant socialiste que je suis. Mais il est un homme qui tient parmi tous mes héros une place particulière et une date qui, chaque année, me tord le cœur et me remplit à la fois d’espoir et de mélancolie. Cet homme c’est Salvador Allende. Cette date c’est le 11 septembre 1973. Il y a 40 ans.
Président démocratiquement élu du Chili, Salvador Allende accéda au pouvoir à la quatrième tentative grâce au rassemblement des forces populaires chiliennes (La Unidad Popular) et malgré l’opposition farouche des conservateurs américains. Il entreprit alors l’expérience socialiste légale et démocratique la plus aboutie de l’histoire du mouvement social. Augmentation des salaires, nationalisation des mines de cuivre, réformes agraires, réforme de l’université, nationalisation d’une partie des banques, légalisation du divorce, création de la sécurité sociale, moratoire sur la dette chilienne, création de l’impôt sur les bénéfices, … des dizaines de milliers de Chiliens sortent alors de la misère et le chômage baisse massivement pour se stabiliser à 3,1% en 1972.
Durant cette intense période de l’Unité Populaire et tout au long de l’expérience chilienne, unique en son genre, jamais le « camarade président » ne cédera aux sirènes de l’autoritarisme. Même lorsque l’armée tentera un premier coup d’Etat en juin 1973. Même lorsque le patronnât tentera de mettre à genoux l’économie du pays. Même lorsque l’extrême droite terrorisera la population avec des attentats à la bombe. Même lorsque le gouvernement américain inondera le Chili de fausse monnaie et fera exploser l’inflation. Cet homme érudit et passionné ne se départira jamais de ses convictions ni de son éthique forgée dans les luttes quotidiennes et à travers un parcours politique dense. Face à l’opposition des possédants, il luttera pied à pied au parlement, dans les instances internationales, avec l’armée, pour respecter la constitution et la loi. Ce fut un démocrate, libertaire et humaniste, même dans les périodes de menaces contre le gouvernement et d’intervention étrangère ostensible.
Beaucoup à gauche ont dénoncé et dénonce encore la naïveté politique et le légalisme de Salvador Allende. En réalité, le gouvernement d’Unité Populaire est aujourd’hui d’avantage porteur d’enseignements que les révolutions de la première moitié du 20ème siècle qui offre, coincé entre les 2 guerres mondiales, un schéma militarisé du processus révolutionnaire. Il n’a pas cherché à ouvrir une nouvelle voie réformiste. Il s’agissait pour Allende de faire de la démocratisation radicale de tous les aspects de la vie quotidienne l’axe majeur de la transformation sociale vers des objectifs concrets qui répondaient aux besoins du peuple. Il a ouvert une voie nouvelle vers le socialisme révolutionnaire qui passe par les urnes et le respect du cadre légal dans un système représentatif en rassemblant la plus large coalition possible à gauche sans jamais abandonner la critique du capitalisme. En cela il est très différent des élites socialistes d’aujourd’hui. Pour Allende être réaliste n’avait pas pour conséquence d’abandonner ses idéaux et leur caractère révolutionnaire pour mener une politique « pragmatique ». Là était son idéal socialiste et non dans l’usage de la violence. Malheureusement pour le socialisme, cette expérience n’est pas arrivée à son terme.
Le 11 septembre 1973, les généraux fascisants de l’armée chilienne lançairent pour la seconde fois leurs chars contre la Moneda, le palais présidentiel à Santiago. Cette ultime tentative, soutenue et financé par le gouvernement Nixon, sera victorieuse. De la junte militaire qui organisa ce 11 septembre le renversement du gouvernement légal du Chili émergera Pinochet et 17 années de régime militaire pendant lesquels 3000 personnes seront tuées, dont Víctor Jara et José Tohá pour les plus célèbres, 50 000 seront torturés, y compris des mineurs, 800 000 personnes seront contraintes à l’exil sur 12 millions d’habitants, 130 000 personnes seront incarcérées sans procès dans des conditions inhumaines et 2000 Chiliens disparurent dans des conditions encore inconnues de nos jours.
Ce matin-là, alors que sa voiture fend les rumeurs de l’aurore en direction de Santiago après qu’on lui ait annoncé le début du soulèvement de l’armée qui a pris le contrôle du port de Valparaiso, qu-elles sont les pensées de Salvador Allende ? S’inquiète-t- il pour « Augusto » qu’il vient de nommer chef d’état major des armées et qu’il croit toujours fidèle ? Toute la matinée, il tente de joindre les cadres de l’armée et les exhorte à respecter la constitution. Pour seule réponse, « Augusto » demande sa démission et prépare son assassinat.
Alors que l’armée de terre prend possession des principales villes chiliennes, à 9h, le siège de la Moneda commence à grand renfort de blindés et d’infanterie. Tenu en respect par les gardes du corps d’Allende, l’armée fait appel à l’aviation. C’est sous les bombes et les tirs des chars postés devant un palais aux prises avec les flammes, qu’il repousse l’offre d’exil faite par la junte. Quelques minutes avant la prise du palais présidentiel par les putschistes, Allende s’adresse une dernière fois au peuple chilien sur les ondes de radio Magallanes. Il refuse de fuir, il ne quittera pas son poste. Il dénonce les militaires qui trahissent leur serment pour renverser un gouvernement légal et délivre un formidable message d’espoir au milieu d’un chaos indescriptible : « L’histoire est à nous. C’est le peuple qui la fait ! » Il parle de loyauté, de sa fierté d’avoir mené de grandes réformes sociales, de son amour pour le Chili et les Chiliens, de dignité. Allende parle de lui au passé. Il a déjà intériorisé la mort qui vient. La surprise et la douleur sont passées. « Augusto » a trahi.
Au moment même où Pinochet pense triompher, Allende prend une décision, celle qui éclaboussera ceux qui entrainent le Chili dans la tragédie et laissera une trace indélébile : le suicide. C’est dans son sang que marcheront les vainqueurs. C’est cette ignominie qui cèlera le destin de ce régime falot. Ce geste n’est ni un acte désespéré, ni un acte romantique pour forcer les portes de l’histoire. C’est le prolongement de la vie d’un grand socialiste, courageux et digne.
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Le discours d’Emmanuel Maurel à l’Université d’été de La Rochelle dans la cadre de la plénière démocratie et lutte contre le FN.
Rédigé à 18:24 dans Actualité, Parti Socialiste | Lien permanent | Commentaires (0)
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